jeudi 25 novembre 2010

Karachi : Rétro-commissions, secret défense et obstruction judiciaire


Loin d'avoir touché le fond, le Président de la République : Nicolas Sarkozy, creuse encore...
Lors du sommet de l'OTAN à Lisbonne, le 19 novembre dernier, il dit, concernant l'affaire Karachi :
"J'ai jamais été ministre de la défense, je suis pas au courant des contrats de sous-marins négociés à l'époque avec un président qui s'appelle M. Mitterrand, un premier ministre qui s'appelle M. Balladur, avec un ministre de la défense qui s'appelle M. Léotard. En tant que ministre du budget, je n'ai jamais eu à en connaître ni de près ni de loin puisque même la procédure de validation (par le ministre du budget sur proposition du directeur général des impôts) a été supprimée en 1992 par M. Charasse."
Comprenez : En tant que ministre du budget, il n'avait pas à donner son autorisation pour le versement de commissions aux intermédiaires de la vente de sous-marins Agosta au Pakistan. Il n'était donc pas concerné par les ventes d'armes.
Cette version arrangerait bien les affaires de Nicolas Sarkozy, en bien mauvaise posture, comme beaucoup d'autres dans cette affaire qu'on appelle désormais le "Karachigate". 
Oui, mais...c'était sans compter sur Mediapart, qui publiait le mercredi 24 novembre une série de documents qui mettent particulièrement à mal sa version à lui. 


En effet, parmi ces documents, on trouve notamment une lettre, adressée à Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, par : François Léotard, ministre de la défense...Celle-ci a d'ailleurs été versée au dossier du juge d'instruction Marc Trévidic, qui enquête sur l'attentat de Karachi.
La dite lettre, sous le sceau du "confidentiel défense", lui demande d'accorder la garantie de l'Etat au contrat de vente des sous-marins. Un préalable indispensable à la vente d'armes qui permet au vendeur d'être assuré qu'il touchera le montant de la vente. Il est plus que probable que cette garantie ait été accordée, puisque la vente a eu lieu.
Selon les dépositions de certains témoins, le contrat initial comprenait le détail des commissions versées aux intermédiaires pakistanais. Au point que Gérard-Philippe Menayas, alors directeur financier de la Direction des constructions navales, s'est étonné, devant le juge Trévidic, que ce contrat aux "exigences hors normesen matière de commissions soit accepté alors qu'il avait, selon lui, "toutes les chances d'être refusé".
Viennent ensuite un florilège de notes, rapports et autres documents qui discréditent un peu plus le Président Sarkozy, "simple" ministre du budget à l'époque et pas au courant du tout de cette affaire de vente d'armes et de rétro-commissions. 
Entre autres : des notes manuscrites (saisies par le juge Van Ruymbeke lors de la perquisition des locaux de la Direction générale des impôts, au sein du ministère du budget à Bercy détaillant le montage complexe des commissions du contrat Agosta, qui passaient par plusieurs pays. Les notes préciseraient également un circuit de retour de certains fonds vers la France, ce qui validerait encore l'hypothèse de rétrocommissions illicites.
Ces notes datant de fin 2006 sont (étrangement ?) destinées à Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, et candidat à la présidentielle...
Le 2 Juin 2010 dernier, Mediapart publiait également un rapport de la police luxembourgeoise qui désigne Sarkozy comme l'architecte, en 1994, d'un dispositif occulte utilisé pour le financement illicite de la campagne présidentielle de Balladur. «Une partie des fonds qui sont passés par le Luxembourg reviennent en France pour le financement de campagnes politiques françaises», affirment les policiers.


Le plus édifiant dans toute cette affaire c'est l'incroyable volonté que manifeste le gouvernement à étouffer et classifier en secret-défense, confidentiel-défense et top-secret toutes les informations qui permettraient enfin de faire la lumière sur cette affaire.


En effet, le 22 novembre dernier, le juge Van Ruymbeke, qui avait demandé l'autorisation de perquisitionner les locaux de la DGSE (plus exactement la déclassification temporaire des locaux) a essuyé un refus de François Fillon. Parmi les éléments recherchés par le juge : le contenu des écoutes téléphoniques réalisées en 1995 sur des membres du cabinet de François Léotard lorsqu 'il était ministre de la Défense.
De son côté, le juge d'instruction Marc Trevidic a écrit lundi matin à Alain Juppé pour demander une nouvelle fois la déclassification de certains documents. Alors que sa première demande remonte au 5 mai 2010, le juge affirme n'avoir obtenu à ce jour aucune réponse


Valery Giscard D'Estaing déclarait mercredi : " Il existe une liste des rétrocommissions puisqu’on la protège par le secret-défense. Si elle n’existait pas on n’aurait pas besoin de la protéger », a-t-il expliqué. Pour l’ancien chef de l’Etat, les rétrocommissions sont « un scandale », qui « n’ont rien à voir » avec le secret défense.


Alors que Dominique De Villepin s'apprête à être entendu jeudi 25 novembre par le juge Van Ruymbeke sur le sujet des rétro-commissions, et que circule sur internet le scandaleux "Off" de Nicolas Sarkozy à Lisbonne, on sent bien qu'un vent de panique souffle en direction de l'Elysée, sinon on ne s'appliquerait pas autant à faire obstruction aux demandes de ces deux juges et des gens qu'ils représentent : les familles des victimes de l'attentat de Karachi.
La vérité, pour une fois, ça nous changerait un peu...

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